Le ROC (Regroupement des Organisations du Court) a organisé la 4ème édition de sa journée professionnelle, ce jeudi 15 mars 2018 à la Fémis, à l’occasion de la « Fête du court métrage ».
Le ROC tient tout d’abord à remercier la Fémis pour son accueil, Xavier Leherpeur et Pierre Gras pour la modération des tables rondes, l’ensemble des intervenants et le public, mobilisé nombreux chaque année.
La première table ronde de cette journée a permis de rappeler l’importance du court métrage comme « incubateur de talents » pour l’ensemble des filières cinématographique et audiovisuelle. Le court métrage est une étape importante dans la carrière de beaucoup de professionnels ; il leur permet d’affiner leurs compétences, de trouver leur style ; de rencontrer des collaborateurs ; d’inventer de nouvelles formes esthétiques, de nouveaux récits, de nouveaux langages. « C’est un endroit où l’on n’est pas pris par la contrainte, il faut s’emparer de cette liberté, c’est l’occasion de faire les choses différemment », selon Lucie Borleteau (réalisatrice). « Il faut oser être radical dans ses idées, aller jusqu’au bout. L’originalité est la seule manière d’exister dans un marché saturé », selon Jean-Christophe Reymond (producteur, Kazak Productions).
Le court métrage permet de révéler des talents et de repérer très en amont les nouveaux auteurs, comédiens, techniciens et producteurs de demain, comme l’a montré Arnaud Gourmelen (responsable de la programmation du festival Premiers Plans d’Angers). « Le court métrage est un exercice passionnant qui m’a permis d’interpréter 25 rôles différents, d’explorer des genres nouveaux. Le court métrage a été ma plus grande école de cinéma. » a ainsi déclaré Sigrid Bouaziz (comédienne), qui vient de recevoir le prix d’interprétation féminine pour deux films en compétition au Festival de Clermont-Ferrand.
Il est important que cette place déterminante du court métrage dans la filière cinématographique et audiovisuelle soit reconnue à sa juste valeur, et que le court métrage fasse l’objet d’investissements en conséquence. Marine Jouven (responsable des préachats chez OCS) a montré comment la chaine intégrait pleinement le court métrage dans sa réflexion globale sur le cinéma et l’audiovisuel, en accompagnant les auteurs, du court vers le long métrage ou la série. Lors d’une récente plateforme sur la réforme de l’audiovisuel public, le ROC a proposé que 1% des investissements de France Télévisions consacrés à la création patrimoniale soit dédié au court métrage. Par ailleurs, il nous semble primordial que cette dynamique et cette richesse du court métrage, démontrées par l’ensemble des intervenants présents aujourd’hui, soient mieux intégrées dans la stratégie et les pratiques de davantage d’acteurs du financement et de la diffusion, du long métrage, de l’audiovisuel, comme des nouvelles formes d’écriture.
La deuxième table ronde de la journée, consacrée à la diffusion, s’est concentrée plus spécifiquement sur les problématiques actuellement rencontrées par les festivals.
Les festivals ont un rôle déterminant dans la découverte par un large public des œuvres de court métrage. Comme l’avait conceptualisé Alain Rocca dans un rapport sur le secteur en 2006, « le court métrage bénéficie, par le réseau des festivals, d’un véritable dispositif de « marché directeur ». »
Les festivals sont souvent à l’initiative d’actions culturelles et d’éducation à l’image à l’année sur leur territoire, l’événementiel étant ainsi complété par un travail de fond avec le public, les deux se nourrissant naturellement, comme l’a rappelé Eric Wojcik, délégué général de Sauve qui peut le court métrage et du Festival international de Clermont-Ferrand. « Sauve qui peut le court métrage est une association qui porte un événement majeur (le festival et son marché du film) mais également beaucoup de projets à l’année, à Clermont-Ferrand et dans l’ensemble de la région. Nous travaillons l’ensemble des publics : les séniors, le jeune public, les étudiants, les publics empêchés, etc. Le succès du festival (165 000 spectateurs en 2018) s’est construit dans la durée, c’est un travail de très longue haleine. »
Pourtant, les inquiétudes sont actuellement de mise chez ces acteurs de terrain, qui dépendent de politiques culturelles fortes et volontaristes. Antoine Leclerc (délégué général de Carrefour des festivals) a tiré la sonnette d’alarme : « Nous sommes dans un contexte de fragilisation des festivals, alors qu’ils sont un enjeu majeur pour la filière. Les festivals sont le lieu de la détection des talents et de leur rencontre avec un public nombreux. Certains courts métrages ont une durée de vie extrêmement longue, de l’ordre de plusieurs années, notamment portée par les acteurs associatifs. Dans un contexte où les politiques culturelles autour du cinéma se redéfinissent, ce sujet ne doit pas être négligé. Les phénomènes d’érosion du soutien, au niveau des acteurs privés et publics sont pourtant actuellement indéniables. » La réorganisation territoriale, la redistribution des compétences des collectivités, et les nouvelles modalités de soutien de l’Etat insécurisent actuellement le réseau des festivals, et plus largement l’ensemble des acteurs de l’action culturelle.
Comme l’a rappelé Emeric de Lastens (conseiller pour le cinéma et l’audiovisuel à la DRAC Ile-de-France), « l’Etat est très attaché à l’aménagement culturel du territoire par les festivals. Les festivals de court métrage permettent la rencontre entre les créateurs et le public, l’émergence des talents et l’éducation à l’image ; c’est un lieu qui participe de la construction d’un lien social et de la démocratisation culturelle au sens large. » Il nous semble donc nécessaire et urgent de réfléchir à la complémentarité des politiques publiques en faveur de ces acteurs de l’action culturelle cinématographique (que ce soit les festivals ou les autres initiatives comme celles de l’association Cinémas 93 aujourd’hui représentée par Julie Guégan).
Le ROC souhaite par ailleurs qu’un Observatoire de l’action culturelle cinématographique et de la diffusion non commerciale des films soit enfin créé afin de mettre en lumière l’impact indéniable de ces réseaux et son importance pour la création et pour les citoyens. Le ROC est déterminé à faire du soutien aux festivals un de ses chantiers prioritaires pour l’année 2018.
Cette journée du ROC ouvrait avec passion et détermination le volet professionnel de la « Fête du court métrage ». Nous souhaitons une belle semaine et beaucoup de succès aux centaines de films et de talents programmés du 14 au 20 mars, en France et dans le monde, et aux milliers de lieux de projection qui se sont mobilisés pour leur défense et leur découverte.
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