Conférence de presse du SPI,

Le mardi 15 mai

A 10h00

Au STUDIO Cannes

Dans un contexte de numérisation et d’hyper concurrence entre les différents diffuseurs, les stratégies des différents acteurs du marché tendent à se concentrer autour de quelques œuvres, diffusées et rediffusées. Cette stratégie d’optimisation des investissements dans le cinéma s’illustre parfaitement chez les GAFAN, qui concentrent leurs financements sur 2 ou 3 films de réalisateurs confirmés dans chaque pays.

Marie Masmonteil, Vice-présidente long métrage, a expliqué que derrière les chiffres macro économiques favorables du secteur, se cachent de réelles disparités et une grande fragilité pour la production indépendante et la diversité.

Notre système de soutien à la diversité culturelle trouve sa force dans notre capacité à construire, sur plusieurs films, des parcours de cinéastes, français et internationaux. La présence française à Cannes se fait notamment via l’accompagnement des cinéastes du monde entier par ce tissu de producteurs indépendants.

Son existence est une condition essentielle de l’écosystème. Pourtant, la situation des entreprises de production fait partie des angles morts de l’analyse publique sectorielle, alors qu’elles en sont le maillon central.

Dans le même temps, les effets du numérique et l’entrée de ses nouveaux acteurs pèsent sur toute la filière de la création, créent des déséquilibres de plus en plus importants dans le financement et la diffusion des œuvres, à commencer par la salle de cinéma.

La numérisation de la filière de diffusion des œuvres entraine des phénomènes de concentration d’une ampleur jusque-là inconnue. Les diffuseurs s’inscrivent dans un contexte de concurrence exacerbée, et, pour se protéger, prennent de moins en moins de risques. Ainsi, dès la salle de cinéma, et quel que soit le mode de diffusion, les écarts d’exposition entre les films se creusent.

A l’aune de ces constats, une politique de soutien volontariste est plus que jamais nécessaire, afin de conserver une création riche et diversifiée. Alors que la dimension économique de notre système de soutien tend à croître, il est nécessaire de contrebalancer cette tendance à la concentration des financements en renforçant leur dimension culturelle de nos soutiens, en axant davantage sur la création et les parcours professionnels.

La chronologie des médias est l’instrument central de cette régulation et doit se moderniser, dans le cadre d’un accord professionnel, dont le SPI souhaite la signature rapide. Face à l’accélération rapide des modèles économiques, la réflexion doit, de façon pragmatique, s’orienter autour de la contribution effective à la création, tout en aménageant la possibilité pour les nouveaux acteurs de s’inscrire dans notre système vertueux. Cette signature montrerait également que la filière est forte et sait s’entendre sur des enjeux cruciaux.

Les chaînes de télévision demeurent le socle de financement de la création cinématographique et le rôle du service public dans le financement des œuvres doit être conforté.

Parallèlement, le développement de la télévision numérique terrestre a profondément modifié le rapport du cinéma à la télévision, avec des chaînes de télévision qui diffusent abondement des œuvres cinématographiques, sans contribuer à leur préfinancement. Il est donc nécessaire, enfin, d’adapter le cadre juridique de ce nouveau paysage audiovisuel, alors que les chaînes non historiques représentent désormais 30 % de l’audience linéaire, en ne contribuant que très faiblement à la création.

Une modernisation doit s’enclencher à toutes les étapes de notre système de soutien et de régulation, afin que la France demeure le pays de la création cinématographique, le lieu d’émergence des nouveaux talents, d’ouverture sur le monde et de diversité de la création. Deux premières étapes essentielles viennent d’être franchies dans la reconstitution de notre modèle de soutien à la création :

  • La prise de conscience que la lutte contre le piratage, et donc plus largement la défense du droit d’auteur, est une condition indispensable à la modernisation de notre modèle culturel.
  • La nécessité d’empêcher les acteurs mondiaux de contourner les règles nationales de défense la diversité culturelle. Le compromis obtenu, sous réserve de sa rédaction finale, dans le cadre du projet de révision de la Directive Services de Médias Audiovisuels constitue une avancée fondamentale en ce sens.

Sur ces deux points, nous saluons le travail effectué par le Ministère de la Culture, qui cherche à poser les fondements de cette régulation renouvelée, et appelons dès à présent à une réflexion que ces acteurs contribuent effectivement au financement de la création.

Ainsi, le SPI s’inscrit dans cette réflexion en prenant en compte l’ensemble des acteurs de la filière, et dans une logique d’intérêt général, afin de ne fragiliser aucun des maillons de la chaîne, tout en rappelant que le producteur est au centre de ce processus de création.

Fort de ces constats, le SPI formule les propositions suivantes :

**I. Repenser la diffusion des œuvres dans une filière entièrement numérisée :

  • Trouver rapidement un nouvel accord concernant la chronologie des médias, permettant d’insérer les acteurs du numérique en fonction de leur juste contribution à l’écosytème de la création et de la diffusion des œuvres,
  • Réguler la salle de cinéma comme tous les autres médias numériques, par un cadre juridique adapté garantissant la diversité dans l’exposition des œuvres, passant par un renforcement des engagements de programmation et la création d’une instance de régulation indépendante,
  • Accorder les droits de télévision de rattrapage pour les films coproduits à France Télévisions, pour permettre l’émergence d’un service public de l’audiovisuel linéaire et linéaire,

    **II. Renforcer la dimension culturelle de nos soutiens publics :

  • Engager une réflexion sur les aides à l’écriture et au développement, en mettant le trio scénariste-réalisateur-producteur et les parcours professionnels au centre du processus,
  • Renforcer l’avance sur recettes, notamment en augmentant son budget et en garantissant un niveau de chiffrage minimal très en amont de la mise en production des projets,
  • Modifier les règles d’intensité d’aides publiques, afin de permettre aux différents dispositifs d’aides d’atteindre pleinement leur objectif de soutien à une création diversifiée,
  • Développer des indicateurs permettant, au delà de la simple dimension économique, d’analyser le fonctionnement de nos soutiens sous un angle culturel : parcours professionnels, passage du court au long métrage, diversité des œuvres produites, présence dans des festivals internationaux, égalité femme-homme…

    **III. S’appuyer sur le tissu d’entreprises de production pour promouvoir la diversité culturelle cinématographique dans le monde :

  • Analyser la situation économique du tissu de producteurs indépendants,
  • Augmenter le budget de l’Aide aux cinémas du monde, afin de soutenir plus et mieux les coproductions internationales,
  • Permettre, dans des conditions à définir, l’accès au crédit d’impôt pour les dépenses de production en France dans le cadre de coproductions internationales,

    **IV. Favoriser la diversité de l’investissement des chaînes de télévision dans le cinéma :

  • Consolider le financement de l’audiovisuel public, en modernisant la Contribution à l’Audiovisuel public et en garantissant l’investissement dans la diversité de la création cinématographique, notamment en créant une nouvelle filiale « cinéma » pour France 4,
  • Diversifier les investissements des chaînes gratuites privées, par la mise en place d’obligations groupe en contrepartie d’une obligation de préfinancement d’un nombre minimal de films,
  • Inscrire les chaînes de la TNT comme réels contributeurs à la création, en baissant le seuil de déclenchement de l’obligation de préfinancement,

    **V. Réguler les services de VAD pour en faire des acteurs de la diversité culturelle :

  • Mettre en place une contribution effective des plateformes de vidéo à la demande au préfinancement des œuvres, avec des engagements de diversité,
  • Modifier le décret régulant les services de VADA afin de permettre une diversité des catalogues disponibles,

    Contact :

    Catherine BERTIN, Déléguée générale

    Syndicat des Producteurs Indépendants – 4 Cité Griset – 75011 Paris – Tel : 01 44 70 70 44