Nous, productrices et producteurs du SPI, sommes engagé·e·s dans le combat contre les Violences et Harcèlements Sexistes et Sexuelles (VHSS), contre toute atteinte à la dignité morale et physique d’une personne, intimidations, chantages, harcèlements verbal et physique, agressions sexuelles.
Trop longtemps, la parole des victimes n’a pas reçu l’écho et les réponses qui s’imposaient.
Nous sommes convaincu·e·s que nous devons assumer un rôle moteur, avec une stratégie adaptée aux spécificités de notre milieu, où le réseautage, la cooptation, le culte de la personnalité, l’attrait de la célébrité et la capillarité entre les sphères professionnelles et privées font partie, trop souvent, des rapports humains.
Le cinéma, les visages qui l’incarnent et les conditions de sa production ont une charge d’exemplarité. Cette exemplarité nous oblige.
Il y a urgence à poser des mots sur des comportements, à apprendre à accueillir la parole et à y répondre correctement, à intervenir lorsque l’on est témoin d’un comportement abusif, même et surtout lorsqu’on se trouve en situation d’infériorité hiérarchique.
Nous avons œuvré pour que la formation obligatoire à la prévention des VHSS qui était réservée uniquement aux gérant·e·s des sociétés soit étendue à toutes et tous. Aujourd’hui, c’est l’ensemble de la filière qui s’engage dès cet été dans un processus de formation à grande échelle unique en Europe.
Imaginez qu’avant chaque décollage d’un avion, la question de « faire équipe entre ciel et terre » se repose inéluctablement. Chaque équipage repense, définit ses modalités de coopération. A chaque nouveau départ, de nouveaux visages, de nouvelles personnalités, de nouvelles manières d’assurer des tâches qui sont pourtant toujours les mêmes. Il faut ainsi à chaque fois composer, coopérer, s’ajuster.
Nous considérons que chaque tournage est une expérience similaire. Nous sommes engagé·e·s à offrir à l’équipe de technicien·ne·s et d’artistes avec lesquel·le·s nous travaillons un cadre sécurisant et sécurisé minimisant au mieux les risques de violences sexistes et sexuelles.
Les formations nous permettront de faire intervenir, sur nos tournages, des organismes et des intervenant·e·s spécialisé·e·s dans les collectifs de travail, extérieur·e·s à notre industrie, notamment des juristes et des psychosociologues cliniciens. Nous sommes convaincu·e·s que c’est aussi à eux que nous devrons confier les interventions lors de la survenance d’une violence.
La formation se présente en deux modules obligatoires.
Le premier est un parcours de formation en ligne qui se validera par un bilan, à la façon d’un permis de conduire.
Le deuxième module se répètera à chaque film. Il s’agit d’une réunion menée par un·e formateur·rice avec toute l’équipe du film, au début de chaque tournage. Elle permet de co-construire un cadre de travail adapté : quels sont les modes de relations professionnelles, quelle place est accordée à la bienveillance et au non-jugement ? Quels sont les comportements interdits, les formes plurielles de sexisme, leur impact sur l’organisation du travail ?
Reposer les notions clefs sur les VHSS, identifier les rôles des interlocuteurs possibles et les risques psychosociaux en présence : rumeurs, emprise psychique, situations festives en marge du tournage, etc.
Nous nous félicitons que la convention collective conditionne l’embauche au suivi de ces formations, novatrices par rapport à tous les autres secteurs. C’est le sens des avenants que nous avons signés unanimement vendredi dernier. Elle fait suite à plusieurs mois de mobilisation collective de toutes les organisations syndicales du cinéma et de l’audiovisuel, du CNC, de l’AFDAS ainsi que du Collectif 50/50, dont nous saluons particulièrement le travail.
La prise de parole récente de Judith Godrèche attire également l’attention sur la présence des mineur·e·s sur nos plateaux. Depuis les années 1970, les conditions de travail des enfants ont été soigneusement réglementées et aucun n’est engagé sans autorisation préalable du préfet de département. La présence de responsables des enfants sur les plateaux était presque systématique au cours des dernières années, mais aujourd’hui, nous la rendons obligatoire en l’inscrivant dans la convention collective.
A l’horizon 2025, aucun film français ne pourra voir le jour sans que l’ensemble des personnes engagées sur les tournages n’ait suivi ces formations ni qu’un·e mineur·e n’ait pu être laissé seul en casting ou en tournage.
Nous nous félicitons du dialogue constructif que nous avons avec les équipes du CNC malgré la mise en examen de son Président pour agression sexuelle. Comme nous l’avions exprimé en 2021, nous respectons la présomption d’innocence et considérons que la fonction de Président du CNC, très exposée, exige l’exemplarité. Nous en appelons donc à la responsabilité du Président de la République.
La redéfinition des rapports de pouvoir dans notre secteur, et en leur sein des rapports femmes/hommes, est une entreprise de longue haleine qui ne doit, certes, pas se réduire à des leviers institutionnels, mais qui ne se fera pas sans eux.
Nous ne prétendons pas que ce dispositif aura raison de tous les comportements abusifs.
Il nous reste de nombreux chantiers : en premier chef, étendre ces actions à la postproduction, à l’audiovisuel et à l’animation. Mais aussi, systématiser les référent·e·s VHSS dans les entreprises et sur les tournages, celle des coordinateur·rice·s d’intimité ainsi que leur certification. Nous travaillons aussi avec les assureurs pour que des garanties nous permettent de suspendre un tournage et de remplacer toute personne mise en cause. Il arrive encore trop souvent que des victimes se taisent pour ne pas mettre en péril la solidarité d’une équipe ou la réussite d’un film. Quel genre d’industrie serions-nous, si nous acceptions encore d’être protégé·e·s par le silence des victimes ? C’est à nous que revient la charge de la protection.
Nous ne pouvons pas conclure sans nous adresser à toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles, dans leur immense majorité des femmes, visibles ou invisibles, actrices célèbres, assistantes de production anonymes, techniciennes, employées de bureau et de festivals.
Vos témoignages vont probablement se multiplier et nous nous engageons à vous apporter tout le soutien qui vous est dû, aux victimes comme aux témoins.
Nous vous entendons, nous agissons.
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