Nous, auteurs, producteurs et distributeurs européens, saluons l’adoption par le Parlement Européen de la base juridique du programme Europe Creative, et le soutien apporté à la création européenne. Nous espérons désormais que les appels à projets pourront commencer au plus vite. Cependant, le programme Media pour 2021 préparé par la Commission Européenne comporte des menaces pour le secteur documentaire et doit donc urgemment être changé.
Plus que jamais, dans le contexte de crises économique, sociale et sanitaire que traverse l’Europe, le documentaire de création constitue un genre essentiel pour informer, faire comprendre, construire le sens critique des citoyens européens et lutter contre les fake news qui menacent nos démocraties et la construction européenne.
Le Documentaire Européen de Création est un genre menacé car structurellement sous-financé. La prise de risque des créateurs européens y est très grande, ce qui explique leurs attentes vis-à-vis de la politique publique européenne.
C’est avec consternation que nous constatons le net recul du soutien au Documentaire de Création par la Commission Européenne à la suite de l’adoption par le Parlement du cadre financier pluriannuel 2021-2027 du nouveau programme MEDIA et de la présentation des programmes de travail qui définissent les règles et les budgets pour chaque dispositif d’aide 2021.
Alors que le budget MEDIA est en augmentation, dans son programme de travail Europe Creative 2021, la Commission Européenne enterre le documentaire unitaire de création en toute discrétion à travers trois modifications techniques aux grandes conséquences sous couvert de simplification et d’uniformisation de ses règles.
En urgence au prétexte de lancer les appels dans les meilleurs délais, ces textes ont été imposés sans la nécessaire réflexion approfondie avec les États membres et l’ensemble des parties prenantes.
Les trois changements techniques aux effets dramatiques immédiats :
Les aides au développement ne seront dorénavant attribuées qu’aux seuls projets commençant leur tournage au plus tôt dix mois après la date limite de dépôt de la demande de soutien (contre huit mois à partir du dépôt précédemment). Ce délai fixé est tout simplement incompatible avec les cycles de production des documentaires de création unitaires, cycles par essence plus courts qu’en fiction et en animation, en raison d’une nécessaire réactivité aux mouvements qui agitent le monde. Alors même que la profession demandait sa réduction, la Commission européenne a fait le choix de le rallonger, provoquant ainsi l’exclusion d’une part croissante de documentaires de création du soutien de MEDIA !
En raison de la transformation de l’aide au développement individuel en aide au co-développement, toute société de production doit porter une demande avec au moins un autre producteur d’un autre pays. La société coordinatrice du projet doit avoir distribué depuis 2014 un projet dans au moins 3 pays différents du sien (contre un seul jusqu’à présent). Ce changement impacte injustement la capacité des producteurs venant de « pays à faible capacité » à coordonner un projet. Cela conduirait à des conséquences graves dans les pays à faible capacité, les petits pays européens, et les pays dont la langue n’est pas parlée ailleurs en Europe ou qui n’appartiennent pas à une zone géographique dans laquelle il existe des accords historiques de distribution. Ainsi, ce changement envisagé vient en contradiction avec les principes de base du programme Europe Creative lui-même : Créativité, Parité, et Pluralisme.
L’aide à la production audiovisuelle (aide « programmation TV ») distinguait jusqu’ici logiquement compte tenu des budgets des œuvres d’un côté les genres de la fiction et de l’animation avec un plafond à 12,5% du financement de leur budget, et de l’autre le genre documentaire avec un plafond de 20%. Désormais, cette aide sera assujettie à un taux unique de plafonnement fixé à 15% qui est une augmentation bienvenue pour la fiction et l’animation. Mais, déjà sous-financé, le documentaire de création voit ainsi se réduire le soutien potentiel de MEDIA.
Nous, auteurs, producteurs et distributeurs européens signataires de ce communiqué, tenons à faire part de notre profonde inquiétude face à ces signes d’indifférence que la Commission Européenne semble adresser au genre documentaire en Europe. Si la Commission s’entêtait à ne pas tenir compte des spécificités du genre, c’est tout un pan de la création européenne indépendante qui deviendrait, de fait, inéligible aux aides européennes et qui subirait encore une plus grande précarisation de son financement.
Alors que tout le secteur est déjà pénalisé par un calendrier très tardif des appels cette année, nous appelons la Commission à renoncer à ces trois modifications et à conserver pour le documentaire des mesures adaptées au genre afin de garantir l’accès au dispositif pour ces œuvres essentielles pour les publics européens.
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